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gir ensemble familiérement ; & j’étois sur le point de lui avoir encore les dernieres obligations, lorsqu’une tendre inquiétude la saisit. Elle se rappella que je ne lui avois pas encore dit que je l’aimois, & me protesta, si je ne la rassûrois pas sur mon cœur, que quelque extraordinaire que fût le goût qu’elle avoit pour moi, & quelques preuves même qu’elle m’eût déjà données de sa foiblesse, elle sçauroit indubitablement la vaincre. Je sentois bien que si elle m’eût aimé, elle n’auroit pas eu lieu d’être contente de ce qu’elle m’inspiroit ; mais la bienséance & l’état où j’étois, ne me permettoient que de la tromper, & je lui répondis que je ne concevois pas qu’avec les preuves actuelles que je lui donnois de mes sentimens, elle pût s’obstiner à en douter. Elle avoit jusques-là paru ne se livrer à sa tendresse qu’avec contrainte ; mais la certitude d’être aimée bannissant ses scrupules, elle devint d’une tendresse, d’une vivacité, d’une ardeur incompréhensibles. Ah ! si