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l’un avec l’autre ? on se quitte avec tout aussi peu de cérémonie que l’on s’est pris. Revient-on à se plaire ? on se reprend avec autant de vivacité que si c’étoit la premiere fois qu’on s’engageât ensemble. On se quitte encore, & jamais on ne se brouille. Il est vrai que l’amour n’est entré pour rien dans tout cela ; mais l’amour, qu’étoit-il, qu’un desir que l’on se plaisoit à s’exagérer, un mouvement des sens, dont il avoit plû à la vanité des hommes de faire une vertu ? On sçait aujourd’hui que le goût seul existe ; & si l’on se dit encore qu’on s’aime, c’est bien moins parce qu’on le croit, que parce que c’est une façon plus polie de se demander réciproquement ce dont on sent qu’on a besoin. Comme on s’est pris sans s’aimer, on se sépare sans se haïr, & l’on retire du moins, du foible goût que l’on s’est mutuellement inspiré, l’avantage d’être toujours prêts à s’obliger. L’inconstance imprévûe d’un Amant accable-t-elle une femme ? à peine lui laisse-t’on le tems de la sentir. Des raisons de bien-