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tement ; non, jamais je n’ai vû l’humeur & le dégoût se peindre avec si peu de ménagement & tant de naïveté. Un moment d’orgueil me fit regretter d’avoir voulu m’en donner le plaisir, & je fus sur le point d’être assez injuste, pour la gronder le plus vivement du monde, de me faire essuyer des humiliations que je m’étois moi-même cherchées. Heureusement pour elle & pour moi, ce mouvement de fatuïté ne fut pas long, & loin de m’aveugler sur la sorte de chaleur qu’il rendoit à mes sens, & de le prendre pour de l’amour, je sçus m’en rendre le maître, & me voir tel que j’étois. Ne pouvant sortir, que par des reproches, de l’embarras où je m’étois mis, je les fis du moins décens & modérés, & j’eus tout le soin possible que rien de trop humiliant pour elle ne les empoisonnât. J’avois raison, car j’avois assûrément plus de tort qu’elle, qui auroit borné tout son ressentiment contre Oronte à se plaindre de lui avec moi, & tout au