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passer, que je crus qu’étant aussi sincérement son ami que je l’étois, je ne pouvois me dispenser ni de l’exhorter à la vengeance, ni même de m’offrir en cas qu’elle prît ce parti-là, qu’au reste je tâchai de lui faire envisager comme le seul qu’elle pût prendre en honneur, après le sanglant affront qu’on lui faisoit. Je n’eus pas de peine à lui prouver qu’il étoit nécessaire qu’elle se vengeât : mais à quelque point que la colère l’animât, je ne la persuadai pas d’abord aussi facilement que je m’en étois flatté, qu’il falloit qu’elle se vengeât dans le moment même. Les propos tendres, dont j’entremêlois mes conseils, me parurent aussi lui faire assez peu d’impression ; cependant le tems pressoit. Je sentois que si je lui laissois le tems de la réflexion, je la perdrois, ou en supposant qu’elle ne pardonnât pas à Oronte une brusquerie qui n’avoit, selon toute apparence, que quelque jalousie, ou moins encore peut-être pour sujet, qu’il faudroit, pour