Page:Crébillon - La Nuit et le Moment.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle m’a vu pour elle une sorte d’empressement. L’hyver dernier, pourtant, malgré toutes ses précautions, je la rencontrai seule chez Lucile, qui n’étoit pas encore rentrée. La solitude où nous nous trouvions, ranima mes desirs, & l’air contraint qu’elle avoit avec moi, & que j’interprétois mal, les encouragea. Je lui demandai, en souriant, si par hasard elle n’auroit point de doutes sur la façon dont le froid opere sur nous. Elle rougit ; je me jettai à ses genoux, & lui dis tout ce que l’on peut imaginer de tendre & de pressant : elle en fut plus embarrassée qu’émûe. Les droits qu’elle m’avoit donnés, & dont, par les libertés que j’osois prendre en lui parlant, je ne paroissois que trop me souvenir, loin, comme je m’en flattois, de séduire ses sens, ne faisoient que l’affliger. N’ôsant, après ce qui s’étoit passé entre nous, s’armer d’une sévérité qui auroit pu me paroître ridicule, & désespérée de la legéreté dont je la traitois, elle se mit à pleurer a-