Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
LE SOPHA

— « Mais enfin, répondit-elle en rougissant, elle n’est pas aussi tranquille qu’elle l’était.

— « De sorte, reprit-il, que si actuellement vous trouviez un téméraire, vous ne laisseriez pas d’en être un peu embarrassée.

— « Ah ! ne me parlez plus de cela ! s’écria-t-elle ; ce serait le plus cruel malheur qui pût m’arriver !

— « Oui, répondit-il avec distraction ; cela se conçoit aisément. »

« En achevant ces paroles, il tomba dans la rêverie la plus profonde : de temps en temps il regardait Almaïde d’un air interdit, et avec des yeux qui peignaient ses désirs et son irrésolution. L’aveu qu’Almaïde venait de lui faire de son trouble, l’encourageait ; mais, son inexpérience ne lui permettant pas de savoir le mettre à profit, peu s’en fallait qu’il ne lui devînt inutile. La façon dont il devait s’y prendre pour achever de séduire Almaïde n’était pas la seule chose à laquelle il rêvât. Retenu par le souvenir de ce qu’il avait été, tyrannisé par l’idée des plaisirs, séduit, cessant de l’être, je le voyais tour à tour prêt à fuir, ou à tout tenter.

« Pendant qu’il éprouvait tant de combats, Almaïde n’était pas dans un état plus tranquille. Le récit que Moclès lui avait demandé avait produit tout ce qu’elle avait craint. Ses yeux s’étaient animés ; une rougeur différente