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LE SOPHA

gorge était un peu découverte ; elle s’aperçut qu’il y portait ses yeux, et voulut rapprocher sa robe.

— « Ah ! cruelle ! » lui dit Zulma.

« Phénime, malgré le désordre qui s’emparait d’elle, s’aperçut de celui de son amant, et craignant également l’émotion de Zulma et la sienne, elle se leva brusquement. Il fit quelques efforts pour la retenir, et n’ayant plus la force de lui parler, il tâcha, en arrosant sa main des pleurs qu’il répandait, de lui faire comprendre combien il était touché de la cruelle résolution qu’elle prenait. Tant de respect achevait d’émouvoir Phénime, mais l’amour ne l’ayant pas encore absolument vaincue, elle triompha et de ses propres désirs et de ceux de son amant, plus dangereux pour elle peut-être que les siens mêmes.

« Aussitôt qu’elle se fut débarrassée des bras de Zulma, elle lui fit signe de se relever ; il obéit. Ils se regardèrent quelque temps en gardant le silence. Phénime enfin lui dit qu’elle voulait jouer. Quelque déplacée que cette envie parût à Zulma, il ne savait pas résister aux volontés de Phénime, et il prépara tout lui-même avec autant de vivacité que si c’eût été lui qui eût désiré le jeu. Cette nouvelle preuve de sa soumission toucha extrêmement Phénime, et je la vis prête à lui demander pardon d’une fantaisie qu’alors elle trouvait ridicule.

« Le repentir de Phénime ne dura pas au-