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LE SOPHA

savait que médiocrement les anecdotes, vit Amine, la trouva jolie, et s’en entêta d’autant plus qu’un de ces hommes obligeants, qui ne s’occupent que du noble soin de procurer des plaisirs aux autres, l’assura que, s’il avait le bonheur de plaire à Amine, il devrait lui en savoir d’autant plus de gré que ce serait la première faiblesse qu’elle aurait à se reprocher.

« Tout autre aurait cru la chose impossible ; le Persan ne la trouva qu’extraordinaire. Cette nouveauté le piqua, et à l’aide de l’irréprochable témoin de la vertu d’Amine, il acheta au plus haut prix des faveurs qui, dans Agra, commençaient à être taxées au plus bas, et n’étaient pourtant pas encore aussi méprisées qu’elles auraient dû l’être.

« Cette triste maison qu’Amine habitait fut encore une fois quittée pour un palais superbe, où brillait tout le faste des Indes. Je ne sais si Amine usa sagement de sa nouvelle fortune ; mon âme, rebutée d’étudier la sienne, alla chercher des objets plus dignes de s’occuper, dans le fond peut-être aussi méprisables, mais qui, plus ornés, la révoltaient et l’amusaient davantage.

« Je m’envolai dans une maison qu’à sa magnificence et au goût qui y régnait de toutes parts, je reconnus pour une de celles où je me plaisais à demeurer, où l’on trouve toujours le plaisir et la galanterie, et où le