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LE SOPHA

tion : mais Abdalathif, qui, sans doute, avait des témoins convaincants de ce dont il l’accusait, lui ordonna brusquement de se taire.

« Après avoir dit toutes les impertinences que sa fureur et sa fatuité lui dictaient tour à tour, il s’empara généralement de tout ce qu’il avait donné à Aminé. Elle s’était attendue à être quittée, et elle s’en consolait, en jetant de temps en temps les yeux sur les diamants et les autres choses qu’elle croyait qui lui resteraient ; mais quand elle vit l’impitoyable Abdalathif se mettre en devoir de tout reprendre, elle poussa les cris les plus perçants et les plus douloureux. Sa mère alors entra, se jeta mille fois aux pieds d’Abdalathif, et crut l’apaiser beaucoup en lui avouant que c’était un maudit bonze qui était cause de tout ce qui arrivait.

« Loin que ce qu’on disait du bonze parût attendrir Abdalathif, il sembla le déterminer à user de toute la rigueur possible.

— « Hélas ! ajoutait tristement la mère d’Amine, nous sommes bien punies de nous être fiées à un infidèle ! Ma fille sait ce que je pensais, et que je lui ai toujours dit que cela ne pouvait que lui porter malheur ! »

« Pendant ces lamentations, Abdalathif, ayant à la main un état de tout ce qu’il avait donné à Amine, se faisait tout restituer par ordre. Lorsque cela fut fait :

— « À l’égard de l’argent que je vous ai