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LE SOPHA

oui, il m’en donnera. Ce n’est pas, ajoutait-elle, que j’aie de la vanité, mais quand on tient un certain rang, on est bien aise d’être comme tout le monde ! »

« Là-dessus elle se mit à compter toutes les filles qui seraient désespérées et des diamants et des belles robes qu’elle aurait : idée qui la flattait plus que la fortune même.

« Le lendemain d’assez bonne heure, un char vint la prendre, et mon âme, curieuse de voir l’usage qu’Amine ferait des conseils de sa mère, la suivit. On la conduisit dans une jolie maison toute meublée, qu’Abdalathif avait dans une rue détournée. Je me plaçai en y arrivant dans un sopha superbe que l’on avait mis dans un cabinet extrêmement orné. Jamais je n’ai vu personne dans une aussi sotte admiration que celle qu’Amine témoignait pour tout ce qui s’y offrait à ses yeux. Après avoir curieusement examiné tout, elle vint se mettre à sa toilette. Les vases précieux dont elle la vit couverte, un écrin rempli de diamants, des esclaves bien vêtus, qui, d’un air respectueux, s’empressaient à la servir, des marchands et des ouvriers qui attendaient ses ordres, tout la transportait et augmentait son ivresse.

« Quand elle en fut un peu revenue, elle songea au rôle qu’elle devait jouer devant tant de spectateurs. Elle parla à ses esclaves avec hauteur, aux marchands et aux ouvriers avec impertinence, choisit ce qu’elle voulut,