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LE SOPHA

jets que la facile Fatmé leur présentait ; c’était machinalement qu’ils faisaient impression sur lui. Son âme grossière ne sentait rien ; le plaisir ne pénétrait même pas jusqu’à elle. Pourtant Fatmé était contente. Le silence de Dahis et sa stupidité ne choquaient point son amour-propre, et elle avait de trop bonnes raisons pour croire qu’il était sensible à ses charmes, pour ne pas préférer son air indifférent aux éloges les plus outrés et aux plus fougueux transports d’un petit-maître.

« Fatmé, en s’abandonnant aux désirs de Dahis, annonçait assez qu’elle avait aussi peu de délicatesse que de vertu, et n’exigeait pas de lui cette vivacité dans les transports, ces tendres riens que la finesse de l’âme et la politesse des manières rendent supérieurs aux plaisirs, ou qui, pour mieux dire, les font eux-mêmes.

« Dahis sortit enfin, après avoir bâillé plus d’une fois. Il était du nombre de ces personnes malheureuses, qui, ne pensant jamais rien, n’ont jamais aussi rien à dire, et qui sont meilleures à occuper qu’à entendre.

« Quelque idée que les amusements de Fatmé m’eussent donnée d’elle, j’avouerai qu’après la retraite de Dahis, je crus que, ne lui restant plus rien sur quoi elle pût méditer dans ce cabinet, elle en sortirait bientôt ; je me trompais : c’était sur ce genre de méditation une femme infatigable. Il n’y avait pas