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LE SOPHA

alors piquèrent votre curiosité, et autant que vous le pûtes, vous les connûtes à fond. Quand on a autant d’esprit et de pénétration que vous, l’étude d’un homme n’est pas une chose bien difficile, et j’ai ouï dire que celui que vous vous attachâtes le plus à observer, ne vous occupa pas huit jours. Ces amusements philosophiques éclatèrent ; on donna un mauvais tour à vos intentions : sans renoncer à votre curiosité, vous la modérâtes ; cependant ce ne fut pas pour longtemps. Vos occupations particulières n’ayant pas l’aveu de ceux qui en étaient les témoins, vous crûtes devoir vous soustraire à leurs yeux, vous renonçâtes à la solitude, et vous allâtes porter dans le monde ce penchant naturel qui vous portait à tout connaître. La princesse Saheb avait alors Iskender pour amant : vous voulûtes juger par vous-même si l’on pouvait se fier à son goût, et vous le lui enlevâtes. Elle ne vous l’a jamais pardonné, et s’en plaint même encore tous les jours.

— « Ah ! juste Ciel ! s’écria Zulica outrée de fureur ; est-il au monde de plus abominables calomnies ?

— « On m’a assuré, continua-t-il avec le même sang-froid qu’il avait commencé, que vous quittâtes bientôt Iskender pour prendre Akébar-Mirza à qui (parce que, tout prince qu’il était, il vous ennuyait) vous associâtes le vizir Atamulk et l’émir Noureddin : que le