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LE SOPHA

peu ménagées, et que nous sommes si fats, que le mépris qu’elles nous inspirent ne nous empêche pas de leur savoir gré, pour le moment du moins, de ce qu’elles font pour nous. En me parlant des infidélités qu’il avait faites à Canzade, il m’a avoué qu’il se les reprochait d’autant plus que parmi les femmes qui l’avaient quelquefois arraché à elle, il n’en avait pas trouvé une qui méritât de l’estime et de l’attachement, et qui ne fît pour lui, par dérèglement de tête seulement, ce qu’il avait été assez ridicule pour attribuer quelquefois à un sentiment si vif qu’il leur avait fait oublier toutes bienséances. Vous n’êtes pas de ces femmes-là, vous ? Par conséquent, je dois croire qu’il ne vous a pas aimée.

— « Vous voyez bien qu’il ne vous dit pas tout, répondit-elle, car il m’a aimée plus de trois ans, avec toute l’ardeur possible.

— « S’il ne me l’a pas dit, repartit-il, ce n’était pas qu’il voulût m’en faire un mystère ; mais c’est qu’apparemment il ne s’est pas souvenu de me le dire. Fut-ce vous qui lui fîtes une infidélité ?

— « Me ferez-vous longtemps de pareilles questions ? lui demanda-t-elle.

— « Je vous en demande pardon, reprit-il ; mais vous êtes si peu faite pour être quittée, qu’elle ne doit pas vous surprendre. Il vous quitta donc ? Après lui, qui est-ce qui vous occupa ?