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LE SOPHA

je vous aime, j’aie en vous une aussi grande confiance, et qu’enfin je croie devoir en être aussi sûre que je le suis de moi-même.

— « J’en suis charmé, Madame, répondit-il d’un air piqué : j’ose dire cependant qu’après la façon dont je me suis livré, j’étais en droit d’attendre mieux de vous. »

« À ces mots, il voulut s’éloigner, mais elle, le retenant :

— « Quelle est donc cette fantaisie, Nassès ? lui demanda-t-elle tendrement : comment se peut-il que tantôt vous vous fussiez fait un crime de douter de ce que je vous disais, et qu’à présent il semble que vous vous reprocheriez de me croire ?

— « S’il faut vous le dire, Madame, répondit-il, tantôt je ne vous croyais pas, mais occupé alors d’un intérêt plus pressant pour moi, j’ai cru qu’il valait mieux travailler à vous persuader que d’entrer dans des détails qui ne pouvaient, en cet instant, que vous déplaire, et que je n’étais pas même en droit d’exiger de vous.

— « Mais, Nassès, insista-t-elle, je vous jure que je n’ai à vous dire que ce que je vous ai dit !

— « Cela n’est pas possible, Madame ! interrompit-il brusquement. Depuis plus de quinze ans que vous êtes dans le monde, il n’est pas croyable que vous n’ayez souvent été attaquée, et qu’au moins vous ne vous