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LE SOPHA

ferais ; mais il me semble que je serais bien aise que l’homme qui m’y aurait surprise voulût bien n’en dire mot.

— « Vous seriez bien aise ! reprit-elle, apparemment, cela est tout simple ; et moi aussi j’aurais été bien aise, qui que ce fût qui m’eût surprise ici, qu’il n’en eût rien dit. Le beau propos ! Il faut que vous perdiez l’esprit pour en tenir de pareils. Pensez-vous qu’un honnête homme ait besoin, pour se taire, qu’on l’engage au silence par les choses que vous imaginez, et croyez-vous d’ailleurs qu’on fasse certaines propositions à des femmes d’un certain genre ?

— « Certainement oui, répondit-il. Toute femme surprise dans une petite maison prouve qu’elle a le cœur sensible ; on tire là-dessus de terribles conséquences, et communément plus la femme est aimable, moins l’homme est généreux.

— « Oh ! c’est un conte, reprit Zulica : le goût seul, mais je dis : le goût le plus vif, peut excuser une femme de s’être rendue, et je ne crois pas, quoi qu’on en puisse dire, qu’il y en eût une qui voulût acheter aussi cher que vous le croyez la discrétion dont elle aurait besoin ; et l’honneur…

— « Bon ! interrompit-il, croyez-vous qu’une femme craigne jamais de sacrifier son honneur à sa réputation ?

— « Enfin, répondit-elle, je ne le ferais