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LE SOPHA

« Tous mots qui, entrecoupés, prononcés faiblement, perdaient leur force et n’imposaient pas. Zulica vit bien qu’il était inutile qu’elle parlât davantage à un homme perdu dans ses transports, et à qui l’on aurait, sans aucun fruit, dit les plus belles choses du monde. Que faire ? Ce qu’elle fit. Après s’être précautionnée contre les entreprises que Nassès, au milieu de son trouble, tentait avec toute la témérité possible, et s’être mise, à cet égard, hors de toute crainte, elle attendit patiemment qu’il fût en état d’entendre les discours qu’elle lui préparait sur ses impertinences. Nassès, cependant, soit pour obtenir plus aisément son pardon, soit qu’en effet Zulica l’eût troublé, ne la laissa en liberté que pour tomber sur son sein, et dans un abattement qui ne devait pas le laisser sensible à quelque autre chose qu’à l’état où il se trouvait.

« Embarras nouveau pour Zulica ; car, à quoi sert-il de parler à quelqu’un qui ne saurait entendre ? Ce qui, en cet instant, pouvait lui rendre moins pénible le silence auquel elle était forcée, c’est qu’il n’y avait pas d’apparence que Nassès eût l’esprit assez libre pour faire dessus des commentaires. Elle tenta pourtant de se retirer tout à fait d’entre ses bras, et n’y réussit point. Quand il revint de son trouble, il avait l’air si tendre ! Ses premiers regards errèrent sur Zulica d’une façon