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LE SOPHA

— « Mazulhim peut être indiscret, répondit-il, mais j’ai peine à le croire menteur.

— « Ah ! le fourbe ! s’écria-t-elle ; c’est la première fois que je viens ici.

— « Mazulhim m’a tout dit ! Je n’ignore pas que vous avez comblé ses vœux ; je sais même des détails de son bonheur qui vous étonneraient. Ne vous en offensez point, poursuivit-il ; sa félicité était trop grande pour qu’il pût la contenir ; moins content, moins transporté, sans doute, il aurait été plus discret. Ce n’est pas sa vanité, c’est sa joie qui n’a pu se taire.

— « Mazulhim ! interrompit-elle avec transport ; ah, le traître ! Quoi ! Mazulhim me sacrifie ! Mazulhim vous a tout dit ? Il a bien fait, poursuivit-elle d’un ton plus modéré ; je ne connaissais pas encore les hommes, et grâce à ses soins j’en serai quitte pour une faiblesse !

— « Eh ! Madame, répondit froidement l’Indien qui feignait de la croire, ce n’est pas vous venger : c’est vous punir.

— « Non, répondit-elle, non, tous les hommes sont perfides, j’en fais une trop cruelle expérience pour en pouvoir douter ; non, ils ressemblent tous à Mazulhim !

— « Ah ! ne le croyez pas, s’écria-t-il ; j’ose vous jurer que si vous m’aviez mis à sa place, vous ne l’auriez jamais vu à la mienne.

— « Mais, reprit-elle, ces ordres qui l’ont retenu ne sont qu’un vain prétexte, et sans