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LE SOPHA

l’heure à laquelle je vous trouve dans un lieu qui jamais n’a été consacré qu’à l’amour, tout m’a fait croire que lui seul avait eu le pouvoir de vous y conduire. Ne vous en défendez pas, Madame, ajouta-t-il, vous aimez : faites-vous, si vous le voulez, un crime de l’objet, et non de la passion.

— « Quoi ! s’écria Zulica, que rien ne faisait renoncer à la fausseté, Mazulhim a osé vous dire que je l’aimais !

— « Oui, Madame.

— « Et vous le croyez ? lui demanda-t-elle avec étonnement.

— « Vous me permettrez de vous dire, répondit-il, que la chose est si probable qu’il serait ridicule d’en douter.

— « Hé bien ! oui, Monsieur, répliqua-t-elle, oui, je l’aimais, je le lui ai dit, je venais ici le lui prouver ; l’ingrat avait enfin su m’amener jusque-là. Je ne rougis pas de vous l’avouer, mais le perfide n’aura jamais d’autres preuves de ma faiblesse que l’aveu que je lui en ai fait. Un jour plus tard, ciel ! que serais-je devenue ?

— « Eh ! Madame ! dit froidement l’Indien, pensez-vous que Mazulhim ait eu assez mauvaise opinion de moi, pour ne m’avoir confié que la moitié du secret ?

— « Qu’a-t-il donc pu vous dire ? demanda-t-elle aigrement ; a-t-il joint la calomnie à l’outrage, et serait-il assez indigne ?…