Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
LE SOPHA

sortit enfin vers la moitié de la nuit et quitta Zulica, persuadé, autant qu’on peut l’être, qu’elle était la femme d’Agra la plus raisonnable et la plus tendre. Elle dit à Zâdis, en le quittant, qu’une affaire fort importante l’empêcherait de le voir le lendemain ; et le soir marqué pour le rendez-vous fut à peine arrivé, qu’elle monta dans son palanquin, et prit, avec mon âme qui la suivit, le chemin de la petite maison, où nous ne trouvâmes qu’un esclave qui attendait et elle et Mazulhim.

— « Comment donc ! dit-elle à l’esclave, d’un ton brusque, il n’est pas encore ici ? Je le trouve charmant de se faire attendre ! Il est admirable que je sois ici la première ! »

« L’esclave l’assura que Mazulhim allait arriver.

— « Mais, reprit-elle, c’est que ce sont des airs tout particuliers que ceux qu’il se donne ! »

« L’esclave sortit, et Zulica vint d’un air colère se mettre sur moi. Comme elle était naturellement impétueuse, elle n’y fut pas tranquille, et en s’accusant tout haut d’être d’une facilité sans exemple, elle jura mille fois de ne plus voir Mazulhim. Enfin elle entendit un char arrêter ; préparée à dire à Mazulhim tout ce que la colère pouvait lui fournir, elle se leva vivement et, ouvrant la porte :

— « En vérité, Monsieur, dit-elle, vous avez des façons aussi singulières, aussi rares !