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LE SOPHA

— « Je vous le jure, dit-elle à Zâdis, quand elle fut sur moi, que, de ma vie, je ne me brouillerai avec vous.

— « Je le voudrais bien, répondit-il ; mais je ne l’espère pas !

— « Et moi, répondit-elle, à ce que me coûtent les raccommodements, je commence à le croire ! »

« Malgré sa répugnance, Zulica céda enfin aux empressements de Zâdis : mais ce fut avec une décence ! une majesté ! une pudeur ! dont on n’a peut-être pas d’exemple en pareil cas. Un autre que Zâdis s’en serait plaint sans doute ; pour lui, attaché aux plus minutieuses bienséances, la vertu déplacée de Zulica le transporta de plaisir, et il imita du mieux qu’il put l’air de grandeur et de dignité qu’il lui voyait, et fut d’autant plus content d’elle qu’elle lui témoignait moins d’amour.

« Je ne sais pourtant pas comment les choses à la fin se tournèrent dans l’imagination de Zulica ; mais elle lui proposa de passer la journée avec elle. Pour que personne ne sût qu’ils étaient ensemble, et le temps qu’ils y demeureraient ; en un mot, plus pour éviter les discours que pour toute autre raison, elle ordonna qu’on dît qu’elle n’était pas chez elle. Zâdis, que sa jalousie n’avait, comme c’est l’ordinaire, rendu que plus amoureux, répondit fort bien aux bontés de Zulica, et, malgré sa taciturnité, ne l’ennuya pas une minute. Il