Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LE SOPHA

paraître à ses yeux qu’avec toute la beauté qu’elle avait ordinairement lorsqu’elle s’était préparée, ou qu’elle imaginât qu’il serait indécent qu’il la vît dans le désordre où elle était alors. Vu la fausseté de Zulica, cette dernière raison n’était peut-être pas aussi imaginaire qu’elle pourrait le paraître.

« Zâdis entra enfin ; quand on ne l’aurait pas nommé, au portrait que la veille j’en avais entendu faire à Mazulhim, je l’aurais reconnu. Il était grave, froid, contraint, et avait toute la mine de traiter l’amour avec cette dignité de sentiment, cette scrupuleuse délicatesse qui sont aujourd’hui si ridicules, et qui peut-être ont toujours été plus ennuyeuses encore que respectables.

« Zâdis s’approcha de Zulica avec autant de timidité que s’il ne lui eût pas encore déclaré sa passion ; de son côté, elle le reçut avec une politesse étudiée et cérémonieuse, et un air aussi prude qu’il le fallait pour le tromper toujours.

« Lorsqu’elle fut coiffée, ses femmes sortirent.

— « Voulez-vous bien, Zâdis, lui demanda-t-elle d’un air d’autorité, me dire ce que vous avez ?

— « Le croiriez-vous, Madame ? lui dit-il en rougissant de l’absurdité qu’il trouvait dans ce qu’il allait lui dire ; je suis jaloux !

— « Vous ! Zâdis, s’écria-t-elle d’un air