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LE SOPHA

faites ? Ah ! Zulica, est-il possible que ce qui devrait augmenter votre tendresse, ne serve qu’à vous irriter contre moi ?

— « Est-il possible aussi, reprit-elle avec emportement, que vous me croyiez assez dupe pour regarder comme une preuve d’amour l’affront le plus sanglant que jamais vous puissiez me faire ?

— « Un affront ! s’écria-t-il. Aimable Zulica ! Vous connaissez peu l’amour, si vous croyez que nous devions, vous et moi, rougir de ce qui nous est arrivé. Je ne craindrai pas de vous dire plus : les gens que vous avez honorés de votre tendresse vous ont aimée bien peu, si vous ne les avez pas trouvés tous aussi malheureux que moi.

— « Oh ! pour cela. Monsieur, dit-elle, en se levant, finissez, ou je vous quitte, je ne puis plus soutenir le ridicule et l’indécence de vos propos.

— « Je n’ignore pas qu’ils vous blessent, répondit-il, et je suis surpris, je l’avoue, de ce qu’ils font cet effet-là sur vous ; mais ce dont je ne reviens pas, c’est que vous vous obstiniez à me trouver si coupable. Je trouverais tout simple qu’une femme ordinaire, sans monde, sans usage, s’offensât mortellement d’une aventure pareille ; mais vous ! que vous soyez précisément comme quelqu’un qui n’a jamais rien vu ! En vérité, cela n’est pas pardonnable.