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LE SOPHA

bégueule et l’autre un fat ? Eh bien ! elle l’aime tel qu’il est. Vous voulez savoir pourquoi ; que ne le demandiez-vous à Amanzéi, pendant qu’il était femme ? Croyez-vous qu’il se souvienne de cela, lui, à présent ? Vous êtes cause, au reste, avec tous vos discours, que les contes que l’on me fait ne finissent point, et cela m’excède. Voyons, Émir, où en étiez-vous ? Que devint cette Zéphis si raisonnable qu’elle en ennuie ? Quelle fut la fin de tout cela ?

— Celle qu’elle devait avoir, reprit Amanzéi ; Mazulhim, ne voulant pas d’abord manquer totalement d’égards pour Zéphis, la trompa le plus secrètement qu’il put. Ou les ménagements qu’il eut pour elle ne furent pas assez habilement employés pour la tromper longtemps, ou les infidélités qu’il lui faisait étaient trop fréquentes et trop marquées pour qu’il pût toujours les lui dérober. Quoi qu’il en soit, elle se plaignit ; mais comme avec toutes les délicatesses de l’amour le plus tendre elle en avait tout l’aveuglement, il vint aisément à bout de la calmer. Il continua ses infidélités, et elle recommença ses reproches. Enfin il s’impatienta, et, peu touché de son amour et de ses larmes, il rompit absolument avec elle, et la laissa livrée à la honte de l’avoir aimé et à la douleur de l’avoir perdu.

— Ma foi, dit le Sultan, il fit fort bien de la quitter ; et la preuve de cela, c’est que j’aurais