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LE SOPHA

l’attristent peut-être. Mazulhim, plus on cherche les plaisirs, moins on peut les goûter ; essayons si, en y arrêtant moins notre pensée, nous ne nous y disposerions pas mieux. »

« La généreuse Zéphis sortit en achevant ces paroles, et Mazulhim lui donna la main de l’air du monde le plus respectueux.

« Ce qu’il y a de singulier, c’est que ce Mazulhim, qui employait si mal les rendez-vous qu’on lui donnait, était l’homme d’Agra le plus recherché ; il n’y avait pas une femme qui ne l’eût eu ou qui ne voulût l’avoir pour amant ; vif, aimable, volage, toujours trompeur, et n’en trouvant pas moins à tromper, toutes les femmes le connaissaient et toutes cependant cherchaient à lui plaire ; sa réputation enfin était étonnante. On le croyait… que ne le croyait-on pas ? Et pourtant, qu’était-il ? Que ne devait-il pas à la discrétion des femmes, lui qui, ayant pour elles de si mauvais procédés, les ménageait cependant si peu ?

« Après une heure de promenade, Zéphis et lui revinrent du jardin. Je cherchai promptement dans leurs yeux s’ils étaient plus contents que lorsqu’ils étaient sortis. À l’air modeste de Mazulhim, je crus que non, et je ne me trompais pas. Zéphis s’assit sur moi, nonchalamment, et Mazulhim se mit à ses pieds, sur des carreaux. Ayant assez peu de chose à lui dire, et n’imaginant d’abord aucune