Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
LE SOPHA

ne vous aurait rien laissé à désirer ! Dominé par le désir de plaire, accoutumé à l’inconstance par des succès qui ne se sont point démentis, vous ne cherchez qu’à vaincre, et vous ne voulez pas aimer. Peut-être est-ce sans passion pour moi que vous m’avez attaquée ? Examinez bien votre cœur ; vous êtes maître de ma destinée, et je ne mérite pas que vous la rendiez malheureuse. Si ce n’est pas l’amour le plus tendre qui vous attache à moi, en un mot, si vous ne m’aimez pas comme je vous aime, ne craignez pas de me le déclarer ; je ne rougirai pas d’être le prix de l’amour, mais je mourrais de honte et de douleur, si je ne m’étais vue que l’objet d’un caprice. »

« Quoique ces paroles et les pleurs que Zéphis versait en les prononçant, n’attendrissent pas Mazulhim, elles lui firent prendre un ton moins froid que celui qu’il avait d’abord employé auprès d’elle.

— « Que vos craintes me touchent, lui dit-il ; mais que je les mérite peu ! Est-il possible que vous vous imaginiez que je vous confonds avec ces objets méprisables qui, seuls jusqu’à ce jour, ont paru m’occuper ? J’avoue que la façon dont j’ai vécu a pu donner lieu à vos soupçons ; mais, Zéphis, voudriez-vous que j’eusse joint au ridicule d’avoir eu des femmes qui ont rempli mes loisirs, la honte de les avoir aimées ? Il est vrai, je craignais l’amour ; eh ! que pouvais-je faire mieux,