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LE SOPHA

inexpérience réciproque laissera toujours subsister, puisque vous ne pourriez point répondre à mes questions, et qu’il serait trop dangereux pour moi d’interroger sur ce qui m’agite une autre personne que vous. Ma curiosité roule sur des choses d’une nature si étrange pour un homme de mon caractère et de ma profession, qu’à moins de me connaître comme vous faites, on ne manquerait pas de l’attribuer à un motif qui ne me ferait pas honneur.

— « Il est certain, répondit-elle, que vous pouvez tout me dire sans rien risquer.

— « C’est cela même, reprit-il, qui me ferait presque désirer que vous fussiez plus instruite ; car ayant en moi autant de confiance que j’en ai en vous, sûrement vous ne me cacheriez rien. Quand j’aurais pu douter de votre amitié et de la façon dont vous comptez sur ma discrétion, la vérité avec laquelle vous venez de me confier jusqu’à vos plus intimes mouvements m’en aurait convaincu.

— « Sachons toujours ce qui vous occupe, répliqua-t-elle ; peut-être, à force de raisonner, viendrons-nous à bout…

— « Oh non ! interrompit-il, vous ne pourriez me donner que des conjectures ; et ce qui m’occupe est d’une nature à exiger la plus parfaite certitude. Sans vous inquiéter davantage, je vais vous dire ce que c’est, et vous