Page:Couvreur - Poésies, 1908.pdf/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 28 —

Tu n’es pas trop payé par nos pleurs, bien suprême,
Par nos déchirements, notre désespoir même ;
Un sens était caché dans ce marché divin.
Tel autrefois Pascal, plein d’orgueil et de joie,
Immolait, vile proie,
La certitude étroite à l’immense incertain.

Sainte mathématique, équation hardie !
Donnez tout sans compter, donnez l’esprit, la vie ;
L’illogisme suprême est suprême raison.
Donnez vos deuils profonds et vos amours muettes,
Dont les pointes secrètes
Distillaient dans votre âme amertume et poison.

J’ai semé dans les pleurs pour récolter la joie.
Il est enfin venu, le rayon qui foudroie,
La voix du Sinaï tonnant dans le désert,
Et qui peut devenir, dans la douceur bénie
De sa pleine harmonie,
La brise pacifique et dormant sur la mer.

Mon âme est dans mon sein comme une mer calmée ;
Sa respiration vaste, lente et rythmée
Boit le souffle du large et l’espace profond,
Elle sent tressaillir sa liberté vivante,
Qui se lève et qui chante
La haute Marseillaise aux accords de clairon.