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trouble dans les fonctions et de graves accidents.

La clarification du cidre, lorsqu’il est fort, s’effectue au moyen d’un mélange de sable et de craie ; s’il est faible, on doit avoir recours à l’addition, comme nous l’avons dit plus haut, d’un principe sucré qui, en provoquant, par sa présence, un nouveau mouvement de fermentation, opère la clarification spontanée.

Le cidre se conserve d’autant mieux qu’il a été soutiré plus souvent, car il perd ses qualités en restant sur la lie. On doit le placer dans des caves ou celliers dont la température soit toujours au-dessus de zéro ; sans cette précaution, il se congèlerait et serait perdu pour la consommation. Les limites de conservation des cidres sont déterminées par leur nature ; c’est ainsi que le cidre de Picardie se conserve de trois à quatre ans au plus, tandis que celui des environs de Caen, qu’on appelle vulgairement gros cidre, n’est, pour ainsi dire, potable qu’après ce laps de temps.

La densité du moût ou suc de pommes varie suivant l’espèce. La pesanteur spécifique de l’eau étant 1,000, celle du jus de pomme-reinette verte égale 1084, celle de la reinette d’Angleterre 1080, de la reinette rouge 1072, de la reinette musquée 1069, du fenouillet rayé 1064, de la pomme-orange 1063, de la reinette de Caux 1060. On comprend, attendu, en outre, la variété de composition et de fabrication, la nature du sol et du climat, de la saison même, combien il est difficile de donner une analyse du cidre. Cependant, si les principes varient pour ainsi dire à l’infini, quant aux proportions, ils sont assez généralement les mêmes ; c’est ainsi que les cidres sont pour la plupart composés de sucre, d’alcool, de mucilage ou matière gommeuse, de principe extractif amer, de matière colorante, de gluten, d’acide malique, de gaz acide carbonique et d’acide acétique, mais la présence de ce dernier est un indice d’altération.

On doit se garder, autant que possible, de laisser le cidre longtemps en vidange, car son contact avec l’air le fait promptement passer à l’acidité ; il devient alors tellement insalubre qu’il donne souvent lieu à des coliques si violentes, qu’elles simulent quelquefois l’empoisonnement par les préparations de plomb. Nous recommandons vivement cette circonstance aux gens de la campagne, et surtout aux médecins et officiers municipaux, car leur ignorance sous ce rapport peut donner lieu à des soupçons fâcheux et avoir des conséquences très-graves. Il n’est, en effet, que trop commun dans les pays où, ainsi qu’en Normandie et en Picardie, on a la malheureuse habitude de tirer à même les pièces, et de laisser conséquemment le cidre en vidange, de voir des gens pris de coliques en mangeant, et attribuer à la malveillance ou à la négligence ce qui n’est dû qu’à l’altération de cette boisson. Nous indiquerons, en parlant de l’altération ou de la sophistication du vin, les moyens de reconnaître la présence du plomb dans les boissons économiques : nous y renvoyons le lecteur. Quant à l’acide acétique, l’addition d’un peu de chaux éteinte peut en dissimuler la présence, mais elle n’améliore pas sensiblement le cidre lorsqu’il est tout à fait gâté.

Lorsque le cidre a été bien préparé et bien conservé, il forme une boisson très-saine, moins nourrissante que la bière, mais plus rafraîchissante encore : on a remarqué que les maladies des voies urinaires étaient très-rares dans les pays où il est d’un usage habituel ; les habitants s’y distinguent même généralement par un embonpoint et une fraîcheur remarquables. C’est la boisson des moissonneurs, et, comme le dit Delille :

Du prunier neustrien ainsi le jus brillant
Prodigue au moissonneur son nectar pétillant.

Le suc de pommes fermenté est connu au Brésil sous le nom de kooi.

Le cidre fait la base d’un assez grand nombre de vins de dessert factices ; à cet effet, on le prépare sans eau, et on choisit les pommes de meilleures qualités. Lorsqu’on veut le rendre mousseux, on le ren-