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moins propres que les autres à la fabrication du cidre. Le sucre étant l’élément principal de la fermentation vineuse "ou alcoolique, il est évident que plus elles en contiennent, plus elles sont douces, enfin plus le cidre qu’elles fournissent doit être généreux. Cependant rarement on obtient cette boisson d’une seule espèce de pomme ; on a remarqué que le mélange des espèces, en ajoutant à la qualité, rendait aussi la conservation plus facile.

On divise généralement les pommes à cidre, 1° en pommes acides : elles fournissent un suc clair, abondant, peu dense, d’une saveur acide et âpre ; on les fait entrer en assez faible proportion ; 2° en pommes douces : elles fournissent un suc abondant fort agréable lorsqu’il est récent, mais qui perd facilement sa saveur alcoolique pour en prendre une amère ; il passe très facilement à la fermentation acide ; 3° en pommes amères : elles fournissent un suc très-dense, qui se colore facilement par l’action de l’air, et se conserve assez bien ; 4° en pommes précoces : elles fournissent un cidre clair, assez agréable, mais peu riche en couleur et en principe alcoolique, et qui conséquemment se conserve difficilement ; 5° enfin en pommes tardives ; elles fournissent, pour les bonnes espèces bien entendu, un cidre généreux et qui se conserve longtemps.

Les pommes tombées fournissent généralement un cidre de mauvaise qualité et qui se conserve peu. Leur chute prématurée étant due à l’atteinte des insectes ou au défaut de séve, on comprend que la réaction des principes doit être d’autant plus faible et conséquemment la maturation incomplète et la fermentation alcoolique nulle ou presque nulle.

Bien que la synonymie des pommes à cidre varie, pour ainsi dire, suivant les pays ; comme il importe cependant de les connaître pour obtenir les diverses espèces de cidres connus sous les noms de gros cidre, cidre moyen et petit cidre, nous en donnerons l’énumération complète et raisonnée à la fin de cet article. Nous nous bornerons à signaler ici les principales, celles surtout qui ont été améliorées par la greffe : l’ambrette, la renouvellet, la belle fille, le jaunet, le blanc, le long bois, le gros Adam blanc, le rouget, le blanc mollet, l’écarlate, le bedou, le petit manoir, le gros amer doux, le petit amer doux, la haute blanche, l’avoine, le doux évêque, le Saint-Georges, l’alouette rousse, l’alouette blanche, le Blagny, l’Adam, etc.

Les pommes destinées à la fabrication du cidre étant d’autant meilleures que leur densité est plus grande, pour apprécier leur qualité il suffit de les plonger dans une eau saturée de sel ou de sucre : moins elles surnagent et meilleures elles sont. L’observation ayant appris que la fermentation était d’autant plus active et la qualité du cidre d’autant meilleure qu’on n’employait pas des pommes d’un seul solage ou d’une seule espèce, on doit marier celle-ci de manière à emprunter à l’une son acidité, à l’autre son principe sucré, etc., et réunir surtout les espèces qui mûrissent ensemble. Bien que la fabrication de cette boisson soit très-simple, il est encore d’autres précautions indispensables au succès de l’opération ; c’est ainsi qu’on doit effectuer la récolte des pommes par un temps sec, et successivement, suivant leur degré de maturité, puis séparer autant que possible celles qui sont altérées de celles qui sont saines. On les porte ensuite dans des hangars ou celliers, sur le sol desquels on les distribue en petits tas ; on les y laisse plus ou moins longtemps, suivant les espèces, pour y suer, ou abandonner la quantité d’eau surabondante. Cette opération préliminaire a encore pour effet de favoriser la réaction entre les principes et de compléter, pour ainsi dire, la maturation.

Si, comme on le pratiquait à tort autrefois, on les réunit en trop grande masse, le développement de chaleur devient trop considérable, et au lieu d’une simple réaction, il en résulte une altération complète ou blossisesement qui, en faisant dispa-