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tion. On n’a pas tarde, en effet, à voir que cette sorte de solution acquérait de la fluidité ; après quelques instants d’ébullition, on a versé dans une chausse ; le liquide sirupeux qui s’est écoulé a été saturé avec de la craie et filé de nouveau. Soumis à une évaporation bien ménagée, il offrait l’aspect d’un sirop de sucre peu coloré, d’une saveur franche et agréable ; contre notre attente, après un long espace de temps il ne présentait aucune trace de cristallisation, ni même de concrétion.

Bien que cette expérience n’ait pas été faite comparativement, nous avons lieu de croire qu’elle a produit plus que les autres.

Il est superflu de faire remarquer que le bonbon vendu par les confiseurs sous le nom de sucre de pomme ne contient pas plus les principes de ce fruit que le sucre d’orge ne contient ceux de l’orge. C’est tout simplement un sirop de sucre de canne ou de betterave rapproché au grand cassé, et qui ne diffère du sucre candi que parce qu’il est aromatisé.

On faisait autrefois bouillir les pommes ou leur suc avec des corps gras, tels que le suif et l’axonge ou saindoux, et on les employait comme un adoucissant dans le pansement de certains ulcères. On a donné à ces médicaments le nom de pommade, qui, est resté à des préparations dont les corps gras font la base, mais dans lesquelles les pommes n’entrent plus. Il est vrai de dire, cependant, que les anciens donnaient le nom de pomme à tous les fruits sphéroïdes succulents. La pommade de concombre serait, dans ce cas, la seule préparation pharmaceutique qui justifierait cette dénomination.

Conservation des pommes.

Ce fruit est, ainsi que nous l’avons dit, l’un de ceux qui se conservent le plus facilement. Bien que très-aqueux, il résiste assez bien à la pression et aux variations de température ; il doit cet avantage à la rigidité de sa peau et à la résistance qu’offrent les fibres qui forment son parenchyme ou chair. Aussi, lors de nos expériences sur la conservation des fruits, contrairement à ce qu’ont fait d’autres observateurs, nous nous sommes bien gardé de le prendre pour objet de nos observations ; nous n’ignorions pas que les précautions les plus simples, celles qu’observe toute bonne ménagère dans la direction de son fruitier, suffisaient pour obtenir un résultat satisfaisant. Nous avons vu, en effet, des pommes de deux années, un peu flétries, il est vrai, mais encore odorantes et savoureuses, et n’offrant conséquemment aucune trace de désorganisation.

La gelée est l’accident le plus fâcheux qui puisse atteindre les pommes ; tous les efforts doivent, en conséquence, tendre à les en garantir. M. Vogel, qui a examiné l’influence de la gelée sur certaines substances organiques et notamment sur les fruits, s’exprime ainsi en parlant des pommes. « Quoique ce fruit ne renferme pas sensiblement de fécule[1], il est cependant possible que l’eau y soit chimiquement combinée avec les autres parties constituantes, et par conséquent l’ensemble de la pomme peut être considéré comme un hydrate ; si conséquemment l’eau est convertie en glace et séparée par la congélation, l’équilibre entre les principes doit être rompu, ce qui amène une décomposition totale. En effet, des fragments de pommes, ayant été soumis à l’action d’un mélange frigorifique, prirent une couleur brune et acquirent une saveur qui rappelait celle des pommes cuites ; elles ne tardèrent pas à devenir noires et à passer à la putréfaction. »

Les pommes à cuire forment une ressource très-importante dans le régime diététique ; elles sont rafraîchissantes et laxatives. Il s’opère, en effet, pendant la coction, ainsi que nous l’avons dit plus haut, une réaction entre les principes, qui donne lieu à la conversion d’une partie de la gélatine en matière sucrée. On emploie quelquefois les pommes cuites, et

  1. M. Recluz a signalé la Présencede la fécule dans les pommes, Journal de pharmacie, t. xiii, p. 62 ; Meyer, celle de l’amidon, Répertoire, viii, p. 210.