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qu’une partie de ce pays dut à cette circonstance le nom de Murée.

La maturité des mûres s’effectue généralement dans le courant d’août ; la grande quantité de mucilage qu’elles contiennent les rend très-propres à étancher la soif, aussi jouissent-elles, sous ce rapport, d’une grande popularité ; elles sont toutefois peu appétives et on s’en rassasie assez facilement ; leur saveur est aigrelette, sucrée et mucilagineuse ; on les sert rarement sur les tables somptueuses ; cette circonstance est vraisemblablement due à la couleur vineuse qu’elles communiquent à tout ce qu’elles touchent, car elles ne sont pas dépourvues d’agrément. Les anciens les regardaient comme très-propres à entretenir la santé ; Horace fait, en effet, dire à Cassius que, pour se bien porter pendant les chaleurs, il faut manger des mûres à la fin des repas et les cueillir, surtout avant le soleil levé.

On met à profit la propriété colorante des mûres, dans quelques circonstances, et notamment pour aviver les vins pâles et colorer certaines liqueurs, compotes ou confitures ; un fait assez remarquable, c’est que la teinture pourpre foncé que produit le suc de mûres est détruite par le suc du même fruit lorsqu’il est encore vert ; il est vrai de dire que le jus de citron, l’oseille et le verjus produisent le même effet.

La mûre sauvage était connue du temps de Virgile ; dans sa sixième églogue, il rapporte ainsi l’espièglerie qu’Eglé joue à Silène, ivre encore du vin qu’il avait bu la veille et que de jeunes bergers avaient lié avec des guirlandes de fleurs.

Eglé, dès que Silène ouvre à peine les yeux,
D’une mûre aussitôt lui rougit le visage.

Les volailles sont assez généralement avides de mûres ; elles engraissent celles de basses-cours.

On prépare avec les mûres des boissons rafraîchissantes et un sirop qu’on emploie avec succès dans les inflammations de la gorge ou des gencives et qu’on fait entrer dans la composition des gargarismes détersifs et astringents : on l’assimile souvent aux figues grasses et au miel.

Examen chimique. Bien qu’une analyse exacte de la mûre soit encore à faire, on sait rependant qu’elle contient des acides tartrique et gallique, — du sucre, — de la géline ou gélatine végétale, — une matière colorante rouge et des traces de tannin.

Ce fruit, placé dans des circonstances favorables au développement de la fermentation, peut fournir, suivant que celle-ci est plus ou moins prolongée une liqueur alcoolique ou du vinaigre.

Sirop de mûres.

Pour le préparer, on prend des mûres non encore complétement mûres, on les mêle à partie égale en poids de sucre grossièrement pulvérisé ; on abandonne pendant quelques heures pour que l’eau de végétation du fruit puisse opérer successivement et par déplacement la solution du sucre ; on place ensuite sur un feu doux pour faciliter cette action, puis on verse le tout sur un tamis ou sur une étamine ; le sirop ainsi obtenu est conservé dans des bouteilles bien sèches. Les proportions prescrites par le codex sont : une livre de suc dépuré du fruit et trente onces de sucre.

MÛRES SAUVAGE, fruit de la ronce faux mûrier, rubus chamæmorus, L. ; famille des Rosacées, J.

C’est un akène composé de petites baies succulentes fixées sur un réceptacle unique et réunies en un cône concave intérieurement ; les semences sont oblongues, solitaires dans chaque granule.

Ce fruit est assez agréable ; c’est à tort qu’on le suppose malsain, les enfants le recherchent avec avidité, sans qu’il en résulte pour eux d’autre inconvénient que l’abus qu’ils peuvent en faire, par une trop grande consommation. Dans quelques contrées, on fait avec ce fruit un vin comparable à celui de raisin ; mais comme sa maturité ne s’opère que successivement, il est difficile d’effectuer ce genre de fabrication avec avantage.