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de larmes aux vaincus, et notre Virgile français aurait pu dire, avec autant de vérité que de raison :

Ainsi le fier Romain,
Et ravisseur plus juste et vainqueur plus humain,
Conquit des fruits nouveaux, porta dans l’Ausonie
Le prunier de Damas, l’abricot d’Arménie,
Le poirier des Gaulois, tant d’autres fruits divers.
C’est ainsi qu’il fallait s’asservir l’univers.
Quand Lucullus, vainqueur, triomphait de l’Asie,
L’airain, le marbre et l’or frappaient Rome éblouie ;
Le sage, dans la foule, aimait à voir ses mains
Porter le cerisier en triomphe aux Romains.

Pour faire comprendre l’importance qu’ont acquise de nos jours la culture, la consommation et le commerce des fruits, il nous suffira de dire qu’on n’estime pas à moins de dix millions de francs le produit de la vente de ces substances alimentaires à Paris seulement ; il résulte de renseignements que nous avons puisés à une source certaine, qu’une valeur de six millions environ est déposée à la grande Halle, deux millions au Mail et deux millions dans les divers autres marchés ; nous n’avons pas besoin de faire remarquer qu’il ne s’agit ici que des fruits pulpeux.

On conçoit difficilement comment un objet de consommation aussi important, d’un usage aussi journalier, d’une altérabilité si grande, exerçant conséquemment une si grande influence sur l’hygiène publique, n’a pas un lieu de vente plus commode et plus approprié à sa conservation. Si le vœu que nous avons exprimé dans une notice, sur la nécessité d’édifier des marchés permanents et couverts pour la vente des arbustes et des fleurs, des fruits et graines potagères, des instruments aratoires et de jardinage, des animaux de basse-cour et de volière, étaitentendu ; si un marché spécialement affecté à la vente des fruits existait, il deviendrait alors facile de faire exercer sur ces produits alimentaires une surveillance active, et on ne verrait plus offrir à l’avidité des enfants, espoir de la cité, des aliments imparfaits, qui n’ont pas seulement l’inconvénient de lester leurs estomacs sans profit, mais qui déterminent souvent, chez eux, des maladies graves. Les étrangers, par qui ces produits de notre heureux climat sont si bien appréciés, ne verraient plus, avec une sorte d’étonnement mêlé de dégoût, nos plus beaux fruits, et notamment nos melons, placés sur les bornes, dans le voisinage d’immondices, sous l’influence de leurs exhalaisons, et sous