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soit effectué, la fait précéder d’une auréole florale, indice de fécondité et non moins remarquable souvent par son éclatante beauté que par la suavité de son odeur.

« Le règne végétal, dit M. Fée (Introduction au cours d’Histoire naturelle pharmaceutique), offrit à l’homme, dans les êtres nombreux qui le composent, tout ce qu’exigeaient ses besoins. Les végétaux lui donnèrent un ombrage ; ils le nourrirent de leurs fruits, après l’avoir charmé par leur beauté et la douce odeur de leurs fleurs. Ces biens inappréciables, qui ramènent sans cesse l’homme à des mœurs douces, durent être le partage des premières sociétés humaines répandues sur les bords du Gange et sur ceux de l’Indus[1], bords heureux, où la végétation étale tout son luxe et prodigue tous ses trésors. Défendus des rayons d’un soleil brûlant par d’immenses forêts de bambous, roseaux gigantesques qui surpassent en hauteur nos plus grands arbres, par des bananiers dont les feuilles immenses recouvraient le toit rustique de leurs cabanes sans les surcharger, les Indous se nourrissaient avec les fruits du dattier ou du cocotier, qui leur fournissaient un aliment sain et agréable, sans le secours de la greffe. Les figues, les melons, les bananes, les mangues leur suffirent longtemps, et quand la population se fut accrue, ils trouvèrent autour d’eux le millet, le riz, le sorgho, qui satisfirent de nouveaux besoins sans leur imposer des travaux pénibles et les forcer d’arroser la terre de leurs sueurs. »

Avant l’invasion des Romains dans les Gaules, la culture des fruits était nulle ou presque nulle ; ces maîtres du monde ne dédaignèrent pas de s’en occuper ; ils attachaient même une telle importance à leur possession, qu’ils leur donnaient les noms des pays d’où ils étaient originaires et qu’ils avaient conquis ; c’est ainsi qu’ils avaient des figues rhodiennes, alexandriennes, africaines et chalcédoniennes. Les fruits leur servirent même quelquefois de prétexte aux conquêtes, et la troisième guerre punique en est un exemple. S’ils se fussent contentés de figues pour contribution de guerre, elles eussent coûté moins

  1. Ces peuples, soumis au dogme de la métempsycose, ne pouvaient chercher leurs aliments ailleurs que dans le règne végétal. « Dans l’état de société où nous sommes maintenant, dit le spirituel auteur de la Physiologie du goût, il est difficile de se figurer un peuple qui vivrait uniquement de fruits et de légumes : cette nation, si elle existait, serait infailliblement subjuguée par les armées carnivores, comme les Indous ont été successivement la proie de tous ceux qui ont voulu les attaquer, ou bien elle serait convertie par la cuisine de ses voisins, comme jadis les Béotiens, qui devinrent gourmands après la bataille de Leuctres. »