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l’esprit, le caractère et l’« âme » d’un peuple. Mais la L. I. aura un contenu plus riche et plus précieux encore : l’ensemble des idées et des vérités philosophiques et morales, scientifiques et pratiques qui forment le patrimoine commun de l’humanité.

Il serait sans doute excessif de prétendre qu’elle suffira à donner aux hommes la conscience de leur fraternité, à empêcher entre les nations tout conflit sanglant et à remplacer le règne de la force par celui du droit. Mais du moins elle aidera les peuples à se mieux connaître, à se fréquenter davantage, à se comprendre, à s’estimer et à se respecter. Elle pourra dissiper bien des préjugés et des malentendus qui les séparent, resserrer et multiplier entre eux des relations, non seulement d’intérêt, mais de sympathie, qui contribueront à affermir la concorde et la paix. « Nos devanciers ont créé la conscience familiale, la conscience de la cité, la conscience nationale. Il nous appartient de créer la conscience de l’humanité[1]. » Cette conscience de l’humanité, qui commence à se former et à se manifester, trouvera dans la L. I. un organe et un véhicule indispensables. Il dépend de chacun de nous de hâter cette grande réforme, qui marquera dans l’histoire de l’humanité une époque comparable à celle de l’invention de l’imprimerie, et qui contribuera puissamment aux progrès de la science et de la civilisation.

Louis Couturat,
Professeur à l’Université de Toulouse,
Délégué du Congrès international de Philosophie.
(Paris, août 1900.)
  1. Allocution de M. Boutroux, Président, à la séance d’ouverture du Congrès international de Philosophie, 1er août 1900. (Voir Revue de Métaphysique et de Morale, t. VIII, p. 510 ; et Bibliothèque du Congrès, t. I, p. xxi.)