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pour la langue internationale

commerçants. Et son échec s’explique par ses défauts propres, notamment par l’insuffisante internationalité de ses radicaux[1]. Ainsi son succès prouve en faveur du principe pour lequel nous plaidons, et son échec ne prouve rien contre lui. On ignore que, si le Volapük a succombé si vite, c’est qu’il a été détrôné et remplacé, même chez ses plus fervents adeptes, par une langue beaucoup plus parfaite et surtout plus pratique, l’Esperanto[2]. Il ne faut donc pas désespérer de la cause, et il faut se garder de juger l’idée même de la L. I. d’après ses réalisations plus ou moins défectueuses. Toutes les inventions, même les plus heureuses et les plus fécondes, commencent par une période de tâtonnements et d’essais informes : quel cycliste voudrait aujourd’hui monter une draisienne, ou même un bicycle à grande roue d’il y a vingt ans ?

La solution.

Il y a donc lieu de distinguer nettement deux questions : la question de principe et la question du choix. Nous ne posons à présent que la première. C’est la seule qui intéresse l’immense majorité du public ; c’est aussi la seule sur laquelle il soit qualifié pour donner son avis. Que demande-t-il, en somme ? Une L. I. pratique, mais surtout unique ; car mieux vaudrait une seule L. I médiocre que plusieurs L. I. plus parfaites, mais dont aucune ne serait « internationale ». Il faut donc remettre le choix à une institution internationale qui ait la compétence et l’autorité nécessaires, afin que sa décision s’impose aux intéressés et les mette tous d’accord.

Or il existe une telle institution : c’est l’Association internationale des Académies, fondée en 1900. Aucun corps n’est plus qualifié pour rendre la décision souveraine dont il s’agit. Mais pour qu’elle prenne en considération la question et se charge de la résoudre, il faut évidemment qu’elle soit saisie par l’ensemble des intéressés, et qu’ils la prennent

  1. Qui se doute, par exemple, que le nom même du Volapük est composé des deux racines anglaises : world (univers) et speak (parler) ?
  2. Voir Gaston Moch : La question de la Langue internationale et sa solution par l’Esperanto, extrait de la Revue internationale de Sociologie (Paris, Giard et Brière, 1897).