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les vocabulaires techniques

propre langue avec un étranger tâche d’éviter de telles expressions, qui ne seraient pas comprises sans un commentaire, et a soin d’employer un équivalent non figuré, par exemple : correctement ou élégamment vêtu. En un mot, il est obligé de traduire sa pensée, non seulement en anglais ou en allemand, mais même en français. Il ne lui en coûtera pas plus de la traduire en L. I. Le pittoresque et l’esprit y perdront peut-être ; la logique et la clarté y gagneront.

Mais, en dehors des idiotismes, il y a une foule de nuances et de finesses propres à chaque langue, qui ne pourront passer dans la L. I.[1]. Nous répondrons encore : peuvent-elles mieux passer dans une langue étrangère quelconque ? La L. I. aura au moins un avantage sur toutes les langues vivantes : c’est que, si ces nuances répondent vraiment à une distinction logique ou commode, rien n’empêchera de les transporter dans la L. I., tandis que jamais on ne pourra les faire entrer dans une autre langue naturelle, dont le génie s’y opposerait. Pour juger équitablement la L. I., chacun doit la comparer, non pas à sa langue maternelle, mais à l’une quelconque des langues étrangères qu’elle remplacerait pour lui et qu’elle le dispenserait d’apprendre.

Les vocabulaires techniques.

Enfin, on objecte, ce qui est plus grave, le défaut de concordance des concepts qui se correspondent en apparence entre les différentes langues, et même des sens qu’elles attribuent au même mot. Nous reconnaissons cet inconvénient, qui rend les traductions si difficiles et si imparfaites. Mais, encore une fois, ce n’est pas là un défaut propre à la L. I., et il ne sera pas plus difficile de traduire un texte d’une langue vivante dans la L. I. que d’une langue vivante dans une autre quelconque. Pourquoi exiger de la L. I. une commodité que n’offre aucune des langues naturelles, et qu’il est impossible d’obtenir en raison même de la diversité de celles-ci ? Bien plus, si cet obstacle inhérent à la diversité des langues peut être surmonté dans une certaine mesure, c’est par la L. I. qu’il le sera. En effet, le sens des mots pourra y être rigoureusement défini ; les sens divers de nos

  1. Par exemple, le russe a quatre mots, répondant à quatre nuances de sens, pour dire « quelque chose ».