Page:Couturat - Pour la Langue Internationale, 1906.pdf/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
pour la langue internationale

dont la plupart des mots n’appartiennent à aucun idiome connu et n’évoquent aucune analogie avec nos langues, serait impossible à apprendre et à retenir ; il faudrait avoir sans cesse le dictionnaire à la main pour parler ou même pour écrire. C’est là un vice capital et rédhibitoire pour une L. I. ; et l’on peut affirmer que tout système qui procède de cette méthode court à un échec certain. L’élaboration du vocabulaire ne peut pas être un problème de Combinatoire.

Le vocabulaire international.

La L. I. ne peut réussir que si elle se rapproche autant que possible de nos langues nationales par son vocabulaire. Il semble difficile, à première vue, de constituer un vocabulaire vraiment neutre et commun à tous les peuples. Mais, en réalité, il existe déjà un vocabulaire international, beaucoup plus riche et plus étendu qu’on ne croit. En premier lieu, la plupart des termes scientifiques et techniques, généralement empruntés au latin et au grec, sont les mêmes dans toutes les langues européennes : on ne peut assurément songer à en choisir d’autres[1]. C’est à ce titre que les éléments gréco-latins ont droit de cité dans la L. I. On objectera peut-être que la terminologie scientifique allemande fait exception à cette règle. Mais d’abord, l’allemand possède presque toujours, à côté du mot d’origine germanique, un double gréco-latin qui seul est international. (Exemple : Gesellschaft et Societät.) Ensuite, là même où ce doublet manque, le mot germanique ne peut prétendre à l’internationalité de son équivalent gréco-latin : Fernsprech ne sera jamais universel comme téléphone, ni Wissenschaft comme science. Enfin, il n’en résultera aucun inconvénient pour les Allemands eux-mêmes, puisqu’ils sont obligés d’apprendre ces mots techniques (en Chimie par exemple) dès qu’ils veulent lire une langue étrangère.

Mais ce n’est pas seulement le vocabulaire scientifique qui est international ; un grand nombre de mots usuels et même vulgaires sont

  1. Exemples : atome, axiome, architecture, bismuth, borax, cristal, croup, chiffre, gaz, granit, guitare, géométrie, mécanique, physique, nature, littérature, musique, poésie, philosophie, phosphore, minute, seconde ; opale, saphir, topaze, etc. ; orgue, flûte, violoncelle, etc. ; tigre, panthère, léopard, etc. ; pause, plan, planète, platine, rime, style, somme, terme, thèse, volcan, zénith, zinc.