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du sujet qui le pense actuellement. Beaucoup de commentateurs et de critiques ont soutenu cette thèse, que la distinction des jugements analytiques et synthétiques n’a qu’une portée psychologique : un jugement est synthétique la première fois qu’on le formule, parce qu’on découvre un prédicat nouveau d’un sujet déjà connu ; il deviendra analytique, dès que le nouveau prédicat sera incorporé au sujet. C’est en ce sens qu’on a pu dire : Le jugement « Les corps sont lourds » peut être synthétique pour le vulgaire, et encore pour le géomètre ; mais il est analytique pour le physicien, qui ne peut plus concevoir les corps sans attraction.

Il semble parfois que Kant entende la distinction dans ce sens, car il admet que le prédicat soit contenu dans le sujet « d’une manière latente » (B. 10), qu’il soit pensé « confusément » avec le sujet (B. 44 ; cf. p. 9) ; ces expressions semblent se rapporter au caractère psychologique et essentiellement subjectif de la pensée. Kant dit même un peu plus loin : « La question n’est pas de savoir ce que nous devons ajouter par la pensée au concept donné, mais ce que nous pensons réellement en lui, ne fût-ce qu’obscurément » (B. 47). Mais il ne faudrait pas interpréter ces expressions, à la vérité assez ambiguës, dans un sens psychologique ; et le dernier passage cité le prouve. En effet, quand on le rapporte au contexte, on constate qu’il signifie exactement ceci : Toute liaison nécessaire n’est pas analytique ; et de ce que nous sommes obligés d’unir tel prédicat à tel sujet, il ne s’ensuit pas qu’il y soit logiquement contenu. Ainsi Kant entend la distinction au sens logique. Il dit lui-même ailleurs : « La différence d’une représentation confuse et d’une représentation distincte est simplement [242]