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frappaient, leur curiosité se porta d’abord sur ce qui était le plus à leur portée ; puis, s’avançant ainsi peu à peu, ils en vinrent à se demander compte de plus grands phénomènes, comme des divers états de la lune, du soleil, des astres, et enfin de l’origine de l’univers. Or, douter et s’étonner, c’est reconnaître son ignorance. Voilà pourquoi on peut dire en quelque manière que l’ami de la philosophie est aussi celui des mythes[1] ; car la matière du mythe, c’est l’étonnant, le merveilleux. Si donc on a philosophé pour échapper à l’ignorance, il est clair qu’on a poursuivi la science pour savoir et sans aucun but d’utilité. Le fait en fait foi : car tout ce qui regarde les besoins, le bien-être et la commodité de la vie était déjà trouvé, lorsqu’on entreprit un tel ordre de recherches. Il est donc évident que nous ne cherchons la philosophie dans aucun intérêt étranger ; et comme nous appelons homme libre celui qui s’appartient à lui-même et qui n’appartient pas à un autre, de même la philosophie est de toutes

  1. Le mythe est en effet l’explication primitive et imparfaite que l’esprit se forme des phénomènes qui l’étonnent et qui provoquent sa curiosité et ses recherches. Ainsi l’Iris Thaumantias est déjà une explication de l’arc-en-ciel. Plus tard, sur cette solution imparfaite, le philosophe fond une solution scientifique au-delà de laquelle il n’y a plus rien à chercher. Aristote, Ed. Brand. l. III, p. 53 ; l. XII, p. 254. Rapprochez de ces passages ceux du Cours de philosophie de 1828, 1re leçon, p. 22, et 5e lec. p. 19.