Page:Courtilz de Sandras - Mémoire de Mr d’Artagnan, tome premier, 1700.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus qu’il n’était. Il eut un camarade de fortune qui fit du moins la même choſe quand il ſe vid le vent en poupe : je veux parler de Mr de Beſmaux, qui fut Soldat aux Gardes avec lui, puis Mouſquetaire, & enfin Gouverneur de la Baſtille. Toute la différence qu’il y eut entr’eux, c’eſt qu’après avoir eu tous deux des commencemens tout égaux, ſavoir beaucoup de pauvreté & de miſere, & s’être élevez au de-là de leur eſperance, l’un eſt mort preſque auſſi gueu qu’il étoit venu au monde, & l’autre extrêmement riche. Le riche, c’eſt-à-dire, Mr de Beſmaux, qui n’a pourtant jamais eſſuyé un coup de mouſquet ; mais la flaterie, l’avarice, la dureté, & l’adreſſe lui ont plus ſervi que la ſincerité ; le deſintereſſement, le bonheur, & le courage de l’autre fût ſon partage. Ils ont été tous deux, à ce qu’il faut croire, bons ſerviteurs du Roy ; mais l’un juſqu’à la bouïſ : deſorte qu’il reſſembloit à un certain Ambaſſadeur que le Roy avoit en Angleterre, dont ſa Majeſté diſoit qu’il n’eut pas voulu dépenſer un ſou, quand même il y eut allé du ſalut de ſon État ; au lieu que l’autre faiſoit litiere de ſon argent, pour peu qu’il crût qu’il y allât de ſon ſervice.

Si je parle ici de Mr de Beſmaux,