Page:Courtilz de Sandras - Mémoire de Mr d’Artagnan, tome premier, 1700.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

expedié de la maniere que mes aſſaſſins s’y prenoient. C’étoient de braves gens & on le va bien voir par ce qui me reſte à dire, ſi neanmoins on peut donner ce nom-là à des malheureux qui avoient réſolu de faire une auſſi méchante action que la leur. Enfin ils contoient déjà d’avoir achevé bien-tôt leur ouvrage quand ils ſe virent obligez de tourner tête contre des ennemis auſquels ils ne s’attendoient pas. Nôtre combat commençant alors à n’être plus ſi dangereux pour moi, je fus ſi heureux que de tuër un de ces aſſaſſins qui m’avoit toûjours ſerré de plus près que les autres. Mes amis en firent autant à deux de ſes compagnons, mais nous perdîmes auſſi de nôtre côté deux Gentilhommes de Bretagne qui furent tuez ſur la place. Athos même reçût un grand coup d’epée dans le corps, & ce combat avoit bien la mine encore d’être plus funeſte qu’il n’étoit, quoi qu’il le fut déjà aſſez, quand ces aſſaſſins prirent la fuite tout d’un coup. La raiſon eſt qu’il ſortit de la Foire cinq ou ſix Mouſquetaires qui accouroient à nôtre ſecours, ſur le bruit qui s’étoit répandu juſques-là qu’il y avoit de leurs camarades qui en étoient aux mains avec des gens qui en avoient voulu aſſaſſiner un d’entr’eux.

Si l’on eut bien-fait, une partie de tout tant que nous étions eut couru après eux, pendant que l’autre nous eut donné ſecours, à Athos & à moi. Nous en avions bon beſoin, nous perdions beaucoup de ſang, mais l’état eu nos amis nous voyoient leur faiſant croire qu’ils devoient courir au plus preſſé, ils laiſſerent ſauver ces aſſaſſins pour nous ſecourir. Cependant au ſortir de ce combat, il nous en falut preſque rendre un autre contre un Commiſſaire qui vint avec une Troupe d’Archers pour s’emparer des corps morts. Nous ne voulumes jamais ſouffrir qu’ils emportaſſent ceux des deux Bretons, & quatre Mouſquetaires les gardant pendant que nous nous faiſions penſer Athos & moi, nous envoyâmes chercher un caroſſe où l’on mit ces deux cadavres. Nous