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ſoit, quand il viendroit à le tâter avec la pointe de ſon épée. Aramis en diſant cela le ſuivoit toûjours de fort près, & lui donna enfin un bon coup d’épée, ſans que la précaution qu’il avoit de bien reculer l’en pût garantir. Pour ce qui eſt de ſon camarade il faiſoit mieux ſon devoir avec moi, & ſe battoit du moins de pied ferme, s’il ne ſe battoit pas plus heureuſement. Je lui avois déja donné deux coups d’épée, un dans le bras l’autre dans la cuiſſe, & lui ayant fait en même-tems une paſſe au colet, je lui mis la pointe dans le ventre, & l’obligeai de me demander la vie. Il ne s’en fit pas trop preſſer, tant il avoit de peur que je ne le tuaſſe. Il me rendit ſon épée, & le combat qui ſe faiſoit entre nous deux ayant fini par-là je m’en courus en même-tems à mon ami pour lui aider s’il avoit beſoin de mon ſecours, mais il n’en fut pas neceſſaire, & il eût bien-tôt fait la même choſe que je venois de faire, ſi celui contre qui il ſe battoit eût voulu ne pas reculer ſi fort devant lui. Cependant quand celui-ci vit que je m’avançois encore pour le combattre, ſuivant l’uſage ordinaire des duels, & qu’au lieu d’un homme à qui il avoit affaire preſentement & qui n’étoit encore que trop pour lui, il alloit maintenant en avoir deux ſur les bras, il n’attendit pas que je le joigniſſe pour faire ce que ſon camarade avoit fait. Il rendit ſon épée à Aramis & lui demanda pardon de ce qu’il lui avoit pû dire de deſobligeant. Aramis le lui pardonna volontiers, & les deux Anglois s’en étant allez en même tems ſans nous redemander leurs armes que nous avions envie de leur rendre, Aramis entra dans une maiſon au Faux-bourg S. Jacques, où pendant qu’il ſe fit allumer du feu pour changer de linge, il me pria de lui aller acheter une chemiſe & un calleçon. Je pris l’un & l’autre chez la premiere lingere tels que je les pus trouver, & l’ayant remené enſuite chez lui, je le quittai tout auſſi-tôt pour aller trouver Milédi.

Je demandai aux Gardes qui étoient à la porte de