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que dire Aramis & moi ; mais enfin ayant paru le long des murs du Luxembourg qui ſont hors de la Ville, nous nous en fûmes à eux mon ami & moi, tant j’avois d’impatience de terminer nôtre querelle. Aramis ſentit quelque tranchées en y allant, & me dit qu’il eût bien voulu s’arrêter s’il eût pû le faire avec honneur, mais que ſe trouvant preſentement en preſence de ceux à qui nous devions avoir affaire, il avoit peur qu’ils n’interpretaſſent en mal une neceſſité dont ils ne connoîtroient pas la cauſe. Je lui répondis qu’ils ſe faiſoit-là un ſcrupule bien mal à propos, & qu’il avoit une penſée que nul autre que lui n’auroit jamais, que tous ceux qui le connoiſſoient ſçavoient qu’il étoit un ſi brave homme qu’ils ne l’acuſeroient jamais de foibleſſe ; que j’étois d’ailleurs pour rendre compte de l’état où je l’avois trouvé, quand il avoit voulu à toute force s’en venir avec moi, ce qui le juſtifieroit entierement, quand même on ſeroit capable de concevoir quelque choſe à ſon deſavantage, de ce que la neceſſité lui impoſoit.

Il ne m’en voulut jamais croire, & m’ayant repliqué pour toute raiſon que ces Anglois ne le connoiſſoient pas, & que c’étoit à eux qu’il craignoit de ne pas donner bonne opinion de ſon courage, s’il faiſoit ce que je lui conſeillois ; nous marchâmes toûjours, & arrivâmes ainſi en preſence les uns des autres. Nous nous viſitâmes tous quatre pour voir s’il n’y auroit point de ſupercherie à nôtre fait. Car il étoit arrivé avant que l’on prit cette précaution, que quelques faux braves s’étoient armez des cottes de maille, & qu’ils s’étoient précipitez enſuite ſur leurs ennemis, parce qu’ils ſçavoient bien que leur épée ne leur pouvoit faire de mal ; quoi qu’il en ſoit, pas un de nous n’étant capable de faire une action comme celle-là, nous ne trouvâmes rien qui ne fût dans les formes. Cependant dans le tems que cela ſe faiſoit, & que celui que ſe devoit batre contre Aramis le tâtoit de tous côtez, ſes tranchées le preſſe-