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ordre en même-tems d’arrêter Mr. de Bouillon. Mr. de Couvonges que le Comte du Pleſſis, qui commandoit en ce païs-là les troupes du Roi, avoit chargé de cet ordre, l’executa fort adroitement. Mr. de Thou fut arrêté, & celui-ci ayant été conduit à Lion avec Mr. de Cinqmars, leur procès leur fut fait & parfait. Ils furent condamnez tous deux à perdre la tête, celui-ci pour avoir voulu faire entrer les ennemis dans le Royaume, celui-là pour en avoir eu connoiſſance & ne l’avoit pas révélé. Pour ce qui eſt de Mr. de Boüillon on parloit bien de lui faire la même choſe, mais comme il avoir de quoi racheter ſa vie, il en fut quitte pour donner ſa place de Sedan. Fabert qui faiſoit ſa Cour au Cardinal depuis pluſieurs années, fut pourvû de ce Gouvernement que pluſieurs Officiers plus conſiderables que lui demandoient. Le Cardinal ne ſurvécût guéres à ce triomphe : les Hemorroïdes continuant toûjours de lui faire milles ravages, il ne pût plus ni s’aſſeoir ni durer dans une même ſituation. Ainſi il fut obligé de ſe faire raporter du Rouſſillon par des Suiſſes qui le portoient ſur leurs épaules. Dans tous les lieux où il logea, on l’entra par les fenêtres qu’on élargiſſoit à proportion du beſoin que l’on en avoit, afin je l’y faire paſſer plus commodément. On l’amena ainſi juſques à Roüanne, où on le mit juſques à Briare dans un batteau ; de Briare les Suiſſes recommencerent à le porter comme ils avoient fait auparavant, & étant arrivé de cette maniere à ſon Palais, il y mourut deux mois & vingt deux jours après avoir fait mourir Cinqmars & de Thou.

Perpignan ſe rendit au Maréchal de la Meilleraie, que le Roi ne faiſoit encore que d’arriver à Paris, & il prit Salée en ſuite, pendant que nôtre Régiment s’en revint à la Cour. Je vis pour la premiere fois, lors que j’étois encore devant Perpignan, le Cardinal Mazarin à qui le Roi avoir procuré la pourpre deux ans auparavant, mais qui n’en reçut la Ba-