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mémoires de m. d’artagnan

qu’il était sur le perron de sa maison, et que j’allais avoir sur les bras ceux qui lui faisaient escorte.

Il m’avait tourné le dos ; je lui criai de mettre l’épée à la main, n’étant pas homme à le prendre par surprise. Il me répondit alors de passer mon chemin, mais je répliquai par deux ou trois coups de plat d’épée, que je lui assénai sur la tête.

— Je ne serai pas long à vous en faire repentir ! dit-il à son tour, et il commença de ferrailler.

Peut-être eût-il été le mauvais marchand de la querelle, mais ses compagnons se jetèrent sur moi et m’accueillirent à coups de bâton et de fourche ; bientôt je tombais par terre, le visage plein de sang et la tête entamée.

Je criai à mon ennemi que je l’avais d’abord considéré comme un gentilhomme, mais qu’à son procédé je voyais combien je m’étais trompé. Je lui conseillai en même temps de me faire achever par sa bande d’assassins, car si j’en réchappais il trouverait un jour à qui parler.

Mon homme me répondit qu’il regrettait que je fusse si mal arrangé, mais que c’était un mal pour un bien si je venais à profiter de cette correction, en devenant plus paisible à l’avenir.

Ce compliment acheva de me rendre enragé ; je ne sais toutes les menaces et toutes les injures dont je l’accablai, et auxquelles on mit terme en me traînant en prison. Si j’avais pu garder mon épée, on ne m’y eût pas mené comme veau au marché ; mais, dès que je fus à terre, ces coquins s’en étaient emparés, et l’avaient brisée sous mes yeux, pour plus d’affront.

On me jeta donc dans un cachot, et quoique j’eusse été battu et assommé, on me condamna à faire réparation à mon ennemi. Je dis au greffier qui me signi-