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mémoires de m. d’artagnan

raison ce cabaretier avait eu dessein de me mettre à mal, je lui répondis qu’ayant gagné soixante louis, dans l’antichambre du roi, je les avais sur moi, dans ma bourse, et je les avais montrés au cabaretier, qui, poussé par l’avarice, m’en avait voulu dépouiller.

À la vérité, j’avais bien gagné soixante louis, mais au lieu de les porter sur moi, je les avais laissés en mon logis, à cause de la quantité de voleurs qui régnaient sur Paris, et en toute tranquillité, car, disait-on, le lieutenant criminel les protégeait parce qu’il partageait avec eux. J’ignore si c’est vrai ou non ; toujours est-il que, dès la fermeture des boutiques, il ne faisait pas bon de mettre son nez dans la rue.

Le commissaire, qui savait que mon ennemi n’avait pas sujet de me vouloir du bien, ne me crut cependant que sous bénéfice d’inventaire. Il mit toute cette affaire plutôt sur le compte de la jalousie. Il ne fut pas fâché de cette plainte, car il avait gardé une dent contrôle cabaretier, dans lequel il avait trouvé un peu de brutalité, lors de sa première incartade ; il lui en voulait surtout de ce qu’il était sorti à si bon marché de la prison. J’eus donc permission d’informer contre mon homme, et je produisis comme témoins les garçons rôtisseurs, que j’avais pensé abîmer en tombant sur eux.

Le commissaire reçut leur déposition. Ils lui dirent qu’il fallait que j’eusse été bien pressé pour sauter de si haut, puisque j’en avais blessé deux de leurs camarades. Ceux-ci présentèrent leur requête pour être admis aux dommages et intérêts qu’il pourrait y avoir contre le cabaretier.

Je ne sais trop si ces belles dépositions méritaient qu’on décrétât contre lui ; j’en doute même un peu. Cependant, soit que le commissaire fît un tour de son