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Permettez vous-même. J'étais, il y a un instant, un pauvre diable au désespoir de ne pouvoir payer ses dettes et qui en appelait humblement au bon vouloir de son semblable. La loi me menaçait donc de ses foudres. A cette heure, passé à d'autres exercices, je vous expulse d'une maison qui a cessé d'être la mienne. J'ai donc la loi avec moi. Car c'est aussi simple que cela, et il suffit neuf fois sur dix à un honnête homme échoué dans les toiles d'araignée du Code de se conduire comme un malfaiteur, pour être immédiatement dans la légalité. Eh bien, monsieur, j'y suis, j'y reste. Vous m'avez contraint à m'y mettre, vous trouverez bon que j'y demeure. Sur ce, mon cher propriétaire, faites-moi le plaisir de filer, que j'aille chercher la sage-femme. -- Eh bien, Hortense?... Au lit!... Couche-toi!

Monsieur Saumâtre. --- Hortense, ne vous couchez pas! (A La Brige.) Fichez-moi le camp, vous, elle, votre bronze de chez Barbedienne, votre buffet et votre baromètre! Débarrassez-moi le plancher et que je n'entende plus parler de vous.

Hortense. --- Pardon. Et les cent sous que nous avons donnés à messieurs les déménageurs?

Monsieur Saumâtre, goguenard. --- Il faut que je vous les rende, peut-être!

La Brige. --- Vous ne les rendrez pas?

Monsieur Saumâtre. --- Non!

La Brige. --- Hortense...

Monsieur Saumâtre, exaspéré. --- Assez!... Les voilà! -- Est-ce tout? Voulez-vous ma montre?... Voulez-vous mon parapluie?

La Brige. --- Mille remerciements, cher monsieur. Respectueux du bien d'autrui, je vous laisserai l'une et l'autre. J'ajoute que vous ne perdrez rien. Je vous dois deux cent cinquante francs, je vous les paierai à un centime près!... par acomptes!... vingt sous par semaine!... sur lesquels vous pouvez compter comme s'ils étaient déjà à la Caisse d'Epargne. C'est l'affaire de quelques années, mais que sont quelques années,