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Le cabinet d’un homme de lettres. Une porte au fond, une autre à droite. À gauche, en pan coupé, une fenêtre praticable. Tableaux, estampes, etc. Face au souffleur, une table chargée de papiers. Au premier plan, adossé au mur de gauche, un de ces pupitres hauts sur pieds en usage chez les écrivains qui ont coutume de travailler debout.



Scène Première


TRIELLE, seul, debout devant son pupitre et comptant du bout de sa plume le nombre des lignes qu’il vient de pondre.

274, 276, 278, 280 et 285. — Encore trente lignes sensationnelles, dont une vingtaine d’alinéas, une décoction de points suspensifs et une coupure à effet pour finir ; si, avec cela, le lecteur ne se déclare pas satisfait, il pourra s’aller coucher. Quel métier ! (Il trempe sa plume dans l’encre, se dispose à écrire, soupire, s’étire, bâille longuement.) Ça t’ennuie, hein ?… Allons, vieux, du courage. Prends ton huile de foie de morue !

(Il se décide et se met à la besogne, se dictant à lui-même à haute voix :)

Cependant, bien que l’antique horloge de Saint-Séverin eût depuis longtemps, dans le silence de la nuit, sonné, les trois coups de trois heures

(S’interrompant.)

Les trois coups de trois heures !… Quel métier !

(Il ricane, hausse les épaules, puis poursuit :)

«… le vieillard continuait sa lente allée et venue. Un manteau de couleur foncée l’enveloppait des pieds à la tête, et des larmes échappées de ses yeux roulaient sur sa barbe de neige. »

(S’interrompant.)

C’est vertigineux d’ânerie…