Page:Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir, 1893.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Soupe, taisez-vous ! hurla Lahrier. Taisez-vous, Soupe, et cavalez ! Disparaissez à l’instant même, ou je vous transforme en quelque chose ! En quoi ? je n’en sais rien, mais je vous change ! ça ne fait pas l’ombre d’un doute. Vous m’êtes odieux, entendez-vous ? votre vue m’est abominable et le seul son de votre voix suffirait à me faire tomber dans des attaques d’épilepsie ! Oui, très sérieusement je vous le dis : ça à cessé d’être possible et je sens la minute prochaine où un miracle sera à la portée de ma main !… Allez-vous-en Soupe ! fichez le camp ! La sagesse même et la prudence vous le conseillent ici par ma bouche !

Du coup, le père Soupe eut le trac.

Les mains au ciel :

— Quel homme ! fit-il.

Ce fut tout. Il gagna la porte et disparut. Et Lahrier, une minute plus tard, séchait encore, sur ses tempes, l’exaspération qui y perlait en sueur, quand il s’épanouit brusquement.

Ses vingt-cinq ans, à vrai dire, avaient épargné sa gaminerie naturelle. Il avait gardé, du bébé, le bon rire, la mobilité d’esprit hannetonnière, l’oubli facile des petits embêtements de la vie. Depuis