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prisme s’était allumé, tandis que le flacon d’eau-de-vie projetait sur le glacis de la tôle une tache imprécise et dansante, aux tons roux de topaze brûlée. Et vite, à sa jouissance intime de lézard haletant au soleil dans l’angle échauffé d’un vieux mur, quelque chose s’était venu mêler : une vague velléité de demeurer là jusqu’au soir à se rafraîchir de bière claire en regardant passer les printanières ombrelles, la vision entr’aperçue d’une journée entière de paresse — inévitablement compliquée d’un lâchage en règle du bureau. Une irritation sourde avait germé en lui sans qu’il s’en fût rendu compte, une rancune contre l’Administration, cette gêneuse, empêcheuse de danser en rond, qui se venait placer entre le beau temps et lui comme pour donner un démenti, malgré la loi et les prophètes, à la clémence infinie du bon Dieu.

Et pour quoi faire !…

Dans la montée houleuse de son indignation, volontiers, il eût arrêté les passants pour leur poser la question, en appeler à leur bonne foi de cet excès d’iniquité, leur demander si, véritablement, c’était une chose raisonnable qu’on le vînt dépouiller ainsi de son droit au repos, à la brise d’avril, à la pureté immaculée de l’azur. Longue-